26 janvier, 2024

Il m’a fallu près d’une semaine pour faire le point sur ma dernière visite en Israël, un voyage que j’ai entrepris avec 27 autres membres de la communauté montréalaise dans le cadre de notre mission de solidarité de janvier. Il m’a fallu du temps, non pas parce que cette visite a été moins émotive ou moins marquante que d’autres, להבדיל - bien au contraire, parce qu’elle l’a même été plus. Il m’a été difficile de faire le point parce que, plus de 110 jours après le samedi noir, nombreux sont les gens qui revivent le cauchemar du 7 octobre, parce que 130 otages sont toujours portés disparus et parce que le nombre de morts à la suite de la guerre avec le Hamas ne cesse d’augmenter.
 
Le récent décès de 24 soldats en une seule journée n’a fait qu’amplifier le sentiment de désespoir omniprésent que l’on peut ressentir chez les citoyens israéliens. Pourtant, malgré tout ce chagrin, le pays entier montre des signes indéniables de résilience et de rétablissement. La gratitude pour le soutien et l’aide apportés par les Juifs du monde entier est palpable. Me rendre en Israël dans le cadre de ces missions n’a jamais revêtu autant d’importance.
 
Cette fois-ci, l’aéroport était visiblement plus fréquenté. Les Israéliens voyagent à nouveau. Les familles cherchent du répit après plus de 100 jours de guerre. Pour leur part, les gens d’affaires reprennent progressivement leurs voyages internationaux. Bien que l’on soit encore loin de l’effervescence d’autrefois, on sent que les Israéliens tentent de trouver une nouvelle normalité — un autre signe de la résilience de notre nation.
 
Un bien triste premier anniversaire
 
Le 18 janvier marquait le premier anniversaire de Kfir Bibbas, qui, avec son frère et sa mère, est retenu en otage par le Hamas depuis plus de 110 jours. La Mission de solidarité montréalaise a eu l’honneur d’être la première délégation à visiter le kibboutz Nir Oz. Au milieu du son lointain des bombardements et du bourdonnement constant des avions, nous sommes entrés dans le kibboutz Nir Oz. Nous nous sommes rendus à la clôture par où, le 7 octobre, les terroristes du Hamas se sont infiltrés pour tuer, violer et prendre en otage les résidents de cette paisible communauté agricole.

 

 

Reconnus pour leurs valeurs pacifistes et de gauche, les membres du kibboutz Nir Oz ont toujours accueilli des Palestiniens de Gaza dans leurs maisons et leur communauté. Le 6 octobre, 400 membres vivaient dans cet environnement tranquille situé à deux kilomètres à peine de Chan Yonis.
 
La visite du kibboutz Nir Oz, guidée par le fils de l’un de ses fondateurs survivants, nous a rappelé une histoire familière qui nous a brisé le cœur. Tout a commencé le 7 octobre à 6 h 30, lorsque 4 000 roquettes ont été tirées sur Israël. Dans un premier temps, une centaine de terroristes du Hamas ont pénétré dans le kibboutz pour en tuer et en terroriser les membres.
 
Contrairement au kibboutz Kfar Aza ou à Be'eri, les Forces de défense israéliennes ne sont jamais arrivées à Nir Oz. J’y ai vu une tout autre scène : il n’y avait aucun signe de bataille comme à Be’eri ou à Kfar Aza — aucune balle ni destruction. Des maisons avaient été incendiées pour forcer les habitants à en sortir, mais il n’y avait aucun signe de confrontation comme à Be'eri ou à Kfar Aza. En fait, on estime que 1 000 terroristes du Hamas et citoyens palestiniens de Chan Yonis se sont infiltrés dans Nir Oz et l’ont quitté 15 heures plus tard. Sur les 400 membres du kibboutz, 77 ont été tués parce qu’ils étaient Juifs et 31 ont été pris en otage, dont le petit Kfir Bibas, son frère de quatre ans et sa mère.
 
Se retrouver devant leur maison la veille de l’anniversaire de Kfir était pour le moins affligeant. Les jouets, les tricycles et les jeux des enfants étaient toujours dans la cour de la modeste demeure du kibboutz de la famille, figés dans le temps. Il est inimaginable qu’en l’espace de quelques heures, tant de vies aient été détruites et transformées pour toujours. L’incertitude des familles qui ne savent pas si elles retourneront chez elles à Nir Oz pèse lourd. Je ne peux imaginer quiconque rentrer « chez lui » à Nir Oz dans l’état dans lequel se trouve le kibboutz aujourd’hui — la douleur est immense.
 
Les abris anti-bombes se sont transformés en pièges de la mort pour les participants du festival Nova
 
Sur la route du retour du kibboutz Nir Oz, nous nous sommes arrêtés sur le site du festival de musique Nova à Re'im, qui est aujourd’hui un sombre mémorial pour les plus de 360 âmes qui ont été assassinées de sang-froid en essayant de s’échapper. Le monde découvre petit à petit l’ampleur de l’horrible massacre et des atrocités sexuelles commises par les terroristes du Hamas. Dans l’enceinte du festival, le bruit de l’artillerie des Forces de défense israéliennes en arrière-plan contraste avec l’atmosphère joyeuse qui devait y régner.
 
Ignorant l’existence du festival, les terroristes du Hamas ont massacré sans pitié autant de festivaliers qu’ils ont pu. Plus de 3 000 citoyens innocents qui dansaient la veille ont vu leur fête se terminer à 6 h 30, lorsque des roquettes ont traversé le ciel et ont plongé le festival dans le chaos. Tentant de fuir, les festivaliers se sont retrouvés face à des camionnettes transportant des terroristes du Hamas lourdement armés, prêts à assassiner tous ceux qui se trouvaient sur leur passage. Et c’est ce qu’ils ont fait.
 
Alex Look z''l, natif de Montréal, avait passé l’été en Israël et se préparait à rentrer chez lui après les chagim. Le 7 octobre, il assistait au festival de musique Nova avec des amis. Lorsque les roquettes ont commencé à exploser à 6 h 30, le groupe a sauté dans une voiture pour s’éloigner. Près du kibboutz Be'eri, le chaos régnait sur les routes. Le groupe d’amis est alors descendu de la voiture et s’est précipité dans un migonit (abri anti-bombes) situé à l’entrée du kibboutz Be'eri. Ce refuge s’est alors transformé en une scène d’horreur lorsque des terroristes du Hamas ont tué Alex z''l et lancé des grenades dans l’abri où tous étaient entassés.
 
Ils étaient plus de 30 jeunes adultes confinés dans une minuscule pièce d’à peine 6 pi sur 10 pi. Alors que plusieurs d’entre eux ont été tués par des grenades, certains ont survécu en se cachant sous les corps. Les témoins qui ont survécu dans le migonit du kibboutz Be'eri ont désigné Alex comme étant un héros parce qu’il avait bloqué l’entrée du migonit pour protéger ceux qui se trouvaient à l’intérieur.
 
Le 19 janvier 2024, la délégation montréalaise s’est tenue devant le migonit où Alex a été tué. Nous avons prié pour lui et récité le Kaddish pour tous ceux qui ont été tués ce jour-là sur le kiddouch Hachem.
 
 

 

Heroes amidst tragedy and the TikTok generation
 
Écouter Yossi Landau de Zaka, dont la bravoure et l’héroïsme pendant et après le 7 octobre ne peuvent être qualifiés que de surhumains, nous rappelle qu’Am Israël est fort, résolu et résilient. Les bénévoles de Zaka ont été les témoins directs du PIRE de ce que l’humanité avait à offrir, alors qu’ils allaient laborieusement de maison en maison dans les kibboutzim. Ils étaient confrontés à des scènes d’une horreur sans nom — des corps étaient éparpillés sur les routes, dans les voitures et dans les champs. Ils ont été témoins d’horribles violences sexuelles. De mutilations. De décapitations. Une odeur nauséabonde de chair brûlée flottait dans l’air. Pourtant, avec une dignité que l’on ne peut qualifier que de kiddouch Hachem, ils ont veillé à ce que des centaines d’âmes juives reçoivent un enterrement juif digne de ce nom.
 
Au lendemain des atrocités du 7 octobre, les médias israéliens ont diffusé les récits d’innombrables héros qui se sont montrés à la hauteur le jour fatidique et par la suite. Cette période a révélé une facette remarquable de la génération TikTok : des jeunes désireux, aptes et prêts à défendre l’État hébreu. Cette génération fait le sacrifice ultime pour défendre le peuple juif avec héroïsme, dignité, compassion et respect. Elle continue de faire la fierté de notre nation et de briller comme une lueur d’espoir au milieu des ténèbres. Elle symbolise la promesse d’une nouvelle vague de héros, déterminés à reconstruire la nation pour en assurer un avenir plus fort et plus résilient.
 
Hier, c’était bien; demain le sera de nouveau
 
La chanson de 1992 ‘ירח – Lune’ de Shlomo Artzi incarne magnifiquement l’essence de l’espoir et de la résilience avec ses paroles poignantes : אתמול היה טוב ויהיה גם מחר – « Hier, c’était bien; demain le sera de nouveau ». À bien des égards, c’est ce que je ressens à propos de notre situation en tant que peuple juif en ce moment. Malgré la douleur causée par la triste réalité des 136 otages détenus par le Hamas et le conflit en cours, la persévérance caractérise la génération TikTok, qui se porte de façon surprenante à la défense de notre nation.
 
Tous les jours, nous pensons à l’implacable cauchemar qui a commencé il y a plus de 110 jours, le 7 octobre. Il peut être difficile de voir clair aujourd’hui en raison du chagrin qui nous afflige, mais nous sommes convaincus que demain, ce sera bien de nouveau. Nous le savons parce que la population d’Israël est résiliente et que le peuple juif du monde entier représente la troisième ligne de défense, après les Forces de défense israéliennes et les citoyens israéliens. Collectivement, nous nous sommes montrés à la hauteur de la situation et avons repoussé et relevé de front les défis de l’antisémitisme et de l’antisionisme à l’échelon mondial. Un peuple juif uni est un peuple résilient, qui est prêt pour un avenir plus fort et plus radieux.
 
אתמול היה טוב ויהיה גם מחר 

Chabbat chalom, Am Israel Chai
 
Yair Szlak, LL.B
Président et chef de la direction
Fédération CJA
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